Diabétologue, membre du mouvement de défense de l'hôpital public.
Des praticiens exaspérés, un personnel hospitalier à cran et une volonté toujours plus forte du gouvernement de contenir les dépenses de la santé publique : l'hôpital doit être sorti de la crise. Pour André Grimaldi, diabétologue et membre du Mouvement de défense de l'hôpital public, il faut en finir avec le modèle "fou" de "l'hôpital entreprise", forcé à augmenter ses activités pour maintenir les budgets.
Le gouvernement veut contenir les dépenses publiques de santé. Pour ce faire, il utilise trois leviers. D'abord, essayer de réduire les prescriptions jugées abusives des médecins de ville concernant certains médicaments trop coûteux et les arrêts de travail trop généreux. Les 10 % des médecins les plus dépensiers sont dans la ligne de mire de la Sécurité sociale, mais en réalité, elle n'a pas de grands moyens d'action en dehors des tracasseries administratives qui exaspèrent les praticiens.
Ensuite, transférer les prises en charge financières de la Sécurité sociale aux assurances privées dites « complémentaires », quitte à aggraver les inégalités sociales de santé. Reste le moyen le plus habituel et le plus facile pour l'Etat : réduire le budget hospitalier. Pour commencer, le gouvernement a annulé le versement aux hôpitaux de 250 millions d'euros de la dotation votée par l'Assemblée nationale, « contribuant au creusement de leur déficit en 2014 », selon la Cour des comptes. Ensuite, il resserre année après année la progression du budget des hôpitaux, qui devient ainsi très inférieure à la progression du montant de leurs charges. En 2016, pour une progression des charges autour de 3 %, la progression du budget ne sera que de 1,75 %. Le déficit des hôpitaux est donc programmé. Que vont faire les directeurs ? Selon Marisol Touraine, ministre de la Santé, il leur suffit de mieux s'organiser grâce notamment à des regroupements hospitaliers. En réalité, ayant déjà beaucoup donné en termes de « restructuration », ils vont être obligés de réduire les investissements (dont le montant était de 4,6 milliards d'euros en 2014, contre 6,5 milliards en 2009) au risque d'aggraver le sous-équipement dramatique de la France dans certains domaines, comme l'IRM. Et, surtout, les directeurs vont être contraints de supprimer des emplois. Quand la ministre dit : « Je ne supprime pas d'emplois », il faut comprendre : « Je laisse le soin aux directeurs de le faire. » Martin Hirsch, directeur de l'AP-HP, a pensé qu'il pourrait refiler la « patate chaude » aux syndicats, en leur faisant le chantage « diminution des RTT ou suppression de 4 000 emplois en trois ans ». Il a dû reculer. Ce qui est étonnant, c'est qu'il ait cru que cela pouvait passer, supposant que les syndicats majoritaires ne défendraient pas l'accord d'application des 35 heures qu'ils avaient dénoncé en 2002. Il avait lourdement sous-estimé le degré d'exaspération et de démotivation des personnels.
Pour beaucoup, la souffrance au travail est telle que les RTT sont devenues le principal objectif. Du moins, quand on a la chance de pouvoir les prendre. Souhaiter venir le moins souvent possible au travail est compréhensible quand on a une heure et demie de transport matin et soir ! Face à cette politique d'austérité annoncée, les communautés médicales hospitalières refusent de voter les budgets prévisionnels prévoyant des économies irréalistes. C'est le cas des trois plus gros établissements hospitaliers du pays (Paris, Lyon, Marseille). Le Mouvement de défense de l'hôpital public (MDHP) a lancé un « Appel des médecins hospitaliers pour sortir l'hôpital de la crise » qui a recueilli à ce jour près de 1 000 signatures.
Il propose d'en finir avec le modèle « hôpital entreprise » et le tout-T2A (tarification à l'activité) inadapté à la prise en charge des malades chroniques et obligeant les hôpitaux à augmenter sans cesse leur activité pour seulement maintenir leur budget. Ce système « fou » provoque à la fois une détérioration des conditions de travail et une montée de l'absentéisme. Le MDHP demande plus de liberté pour les équipes de soins pour s'organiser et pointe les économies qui seraient possibles si le gouvernement était prêt à s'attaquer à certains lobbies de la santé. Les médicaments génériques sont deux fois plus chers en France qu'en Angleterre. Les transports sanitaires coûtent 4 milliards d'euros à la Sécu. Les mutuelles reçoivent 5 milliards de subventions. Et la gestion du système de santé coûte plus de 16 milliards ! Le MDHP estime que la priorité devrait être la construction d'un service public de la médecine de proximité avec les professionnels de santé volontaires. Aider à cette construction devrait être une des missions de l'hôpital public.