L’intersyndicale du Centre hospitalier universitaire de Besançon dénonce la lenteur de l’administration hospitalière à appliquer les mesures de protection des salariés vis-à-vis de l’amiante et à fournir des attestations d’exposition à ceux ayant pu être exposés et partant à la retraite.
Décidément, à l’heure où tout le monde ne peut que constater que le dossier de l’amiante, en France, n’est pas traité avec le sérieux auquel, a minima, les nombreuses victimes seraient en droit de s’attendre, plusieurs événements viennent entretenir ce constat. Tout d’abord, le cas du centre hospitalier universitaire de Besançon. Le bâtiment du site Jean-Minjoz, édifié à la fin des années 1970 et au tout début des années 1980, avant que l’amiante ne soit totalement interdit (janvier 1997), comprend encore de ce matériau cancérigène, à titre résiduel, dans un certain nombre d’endroits comme des locaux techniques, des gaines de chauffage, des plafonds, des colles de carrelage.
"Nous sommes sûrs que la direction le savait, depuis 2006, affirme Pascale Letombe, secrétaire du syndicat Cgt de l’établissement. "Mais, malgré nos demandes réitérées et les avertissements de la Carsat (caisse régionale d’assurance-maladie) suite, notamment, à deux incidents majeurs survenus en 2010-, rien de sérieux n’a été fait."
L’intersyndicale du Chu a tenu, en fin de semaine dernière, une conférence de presse pour dénoncer cet état de fait. "Nous avons attendu aujourd’hui pour nous exprimer parce que nous savions qu’il y avait enquête de la l’Inspection du travail", précise la responsable syndicale. Effectivement, saisi par cette dernière qui conclut à une "infraction à la législation sur l’amiante et mise en danger délibérée d’autrui", le procureur de Besançon vient de décider de diligenter une enquête. Celle-ci est menée par la Direction interrégionale de la police judiciaire de Dijon.
Travaux sans mesures de détection d’amiante
Les syndicats (Cgt, Cfdt, FO, Unsa) dénoncent les conditions de travail dans lesquels se sont effectués certains travaux au sein de l’établissement. "Des ouvriers, intervenant pour une entreprise extérieure étrangère, ont été amenés à percer un plafond, en avril 2010. Ils travaillaient sans protection. On nous a dit qu’il n’y avait pas d’amiante, raconte la secrétaire du syndicat Cgt. Puis, quelques mois après, en décembre, des informaticiens ont reçu des poussières sur la tête. Là, de l’amiante a été trouvé. Or, dans les deux cas, c’était des pièces contiguës, le même plafond avec la même dalle. Nous ne pouvons croire que, dans un cas il n’y avait pas d’amiante, et dans l’autre si."
"En 2009, la Cram était déjà intervenue pour notifier à la direction d’effectuer des repérages précis des zones où se trouvaient de l’amiante." Comme, au bout de plus d’un an de discussions au sein du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (Chsct), les syndicats, ont trouvé que les choses ne bougeaient que très lentement, ils ont saisi l’inspection du travail.
Les établissements publics ne sont pas au-dessus des lois
Depuis, la direction a mis en place des mesures de détection avant toute intervention pour travaux. Le désamiantage de l’établissement hospitalier devrait continuer à se dérouler. Se refusant à tout commentaire, la direction du Chu précise : "Dans la plus totale transparence, le Chrub tient à la disposition des autorités compétentes tous les éléments de ce dossier, et notamment les actions de prévention et d’information qui ont été engagées." Elle rappelle aussi que les "travaux de désamiantage déjà réalisés ou en cours ont été confiés à des entreprises extérieures, spécialisées et agréées." Elle conclut en appelant "de ses vœux une analyse sereine de la situation" et rappelle que ses équipes "sont pleinement investies pour assurer la protection des personnes."
La responsable syndicale ne peut s’empêcher de remarquer : "Etablissement public, un Chu ne peut se voir dresser -comme cela se passe pour les entreprises privées, Ndlr- un procès-verbal de la part de l’Inspection du travail en cas d’infraction à la loi." Et le syndicat de souligner que la direction du Chu est toujours réfractaire à établir des fiches d’exposition et remettre des attestations d’exposition aux salariés en fin de carrière. "Comment retrouver tous les salariés potentiellement exposés ? C’est aujourd’hui notre souci", précise la syndicaliste. Les pathologies de l’amiante sont en effet très longues à se déclarer et il est est nécessaire que tout salarié soit à même, si nécessaire, de pouvoir fournir, un jour, un document attestant son exposition.
La loi doit pouvoir être la même pour les salariés intervenant dans le secteur public comme dans le privé. Les différents autres exemples de Chu face au problème de l’amiante (Caen, Clermont-Ferrand) prouvent qu’il y a encore du chemin à parcourir.
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Bâtiment monobloc construit sur 12 niveaux, le Chu de Besançon (Jean-Minjoz) abrite 30 services cliniques comportant 861 lits et places ainsi qu’un plateau technique. Il comprend également un pôle cardio-pneumologique d’une capacité de 102 lits (source Chu).
Sources : Amiante et sécurite & VIVA Presse