La psychiatrie maltraitée, personnels première variable d’ajustement
Pas un jour sans une nouvelle attaque sur les établissements de soins en psychiatrie. Personnels et qualité des soins sont mis à mal au nom d’une politique d’austérité qui déshumanise et abêtit.
Attaque contre les accords ARTT (Aménagement et Réduction du Temps de Travail), déqualification de postes, mais aussi réductions d’effectifs, glissements de tâches, travail en 12h, cavalerie au Compte Epargne Temps, logiciels voleurs d’heures supplémentaires... Rien de bien différent du reste du sanitaire, ou du médico-social si ce n’est une spécificité « psy ».
La psychiatrie c’est avant tout des humains (formé-e-s pour cela) qui en soignent d’autres (en souffrance), de fait la part des personnels dans les budgets est de 10% plus importante qu’en Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO) et l’impact des économies pèse essentiellement sur la masse salariale.
Economies budgétaires de tout poil
Paiement des chambres individuelles, paiement des consultations, économies sur la nourriture ou les attributions de linge ou matériel de toilette, mise en surcapacité des unités de soin... Or bien souvent les personnes hospitalisées arrivent démunies et l’accumulation de ces facteurs compromet l’établissement de la relation de soin et les soins. Plus qu’ailleurs l’impact sur la qualité des soins et l’accès aux soins est maximal. Le soin en psychiatrie reposant essentiellement sur la relation, l’animation, la convivialité, bref « l’hospitalité » et l’humain.
Je clique donc je soigne
Au-delà du carcan budgétaire il s’agit aussi de normer les soins et de fliquer les soignants ! Avec l’apparition des protocoles et le règne de la Haute Autorité de Santé, les pratiques se retrouvent engoncées dans des procédures rigides et bien souvent absurdes. Le comportement humain ne se met pas en protocole ni en conduite à tenir toutes faites. Certain-e-s soignant-e-s se replient derrière l’antienne « Pas d’Initiative Pas de Problème » car à la moindre anicroche, c’est la recherche de responsabilités qui prévaut.
Avec l’appauvrissement culturel lié à la disparition de l’internat de psychiatrie, celle de la formation des Infirmier-ère-s de Secteur Psychiatrique, avec la politique sécuritaire des années Sarkozy, on peut dire que depuis les années 90 le secteur de psychiatrie est maltraité et méprisé, et cela s’aggrave de jours en jours.
Sommes-nous des exécutant-e-s du mal soigner ?
Est-il nécessaire que derrière chacune de nos interventions relevant de notre rôle propre, il existe un protocole, une procédure, une consigne médicale ou pire, administrative ? N’est-ce pas à travers ce que l’on est, au quotidien avec les patient-e-s, que nous leur permettons, ou pas, chaque jour d’éprouver la vie en contact, avec la maladie ? Les soignant-e-s sont enfermé-e-s dans des procédures qui étouffent le soin et installent la peur : si je me permets d’improviser et qu’il y a un problème, c’est rapport circonstancié et grosse fessée déculottée. Alors, j’applique le principe de précaution, PIPP ! (Pas d’Initiative, Pas de Problème).
Alors... Je me cantonne au prescrit, Alors les patient-e-s trinquent !
Chambre d’Isolement si besoin + contentions si besoin + constantes toutes les 2h + surveillance alimentaire et apports hydriques + normacol si 3 jours sans selles + suivi du poids + surveillance risque de fausse route + surveillance des déplacements dans et hors de l’unité + fouille, éthylotest et bilan toxique au retour de chaque permission + surveillance du risque suicidaire + surveillance de risque de mort accidentelle ! + … beurk ! Où est le soin ? La conséquence principale du sous-effectif en psychiatrie c’est la surveillance au lieu de la relation de soin, c’est l’enfermement, c’est la contention.
Surveillance de celles et ceux qui surveillent pour être bien sûr-e-s que le, la patient-e est surveillé-e...
Les directions des soins nous ont imposé des logiciels “pour nous aider”, le nom de l’agent et l’heure à laquelle il ou elle s’exécute sont “tracés”, pour nous aider donc...? Ainsi, la fugue ne correspond plus à un signe clinique que le, la patient-e nous adresse, mais à un défaut de surveillance de l’agent en poste à l’heure indiquée. Et une fois le, la patient-e retrouvé-e, on ne cherche pas à savoir ce qu’il ou elle a cherché à nous dire, on l’isole pour éradiquer provisoirement le symptôme et on termine nos rapports circonstanciés pour, chacun-e à notre poste, prouver à notre supérieur-e qu’on a bien fait l’boulot. Et quand le travail est fait selon ces procédures, nous, soignant-e-s, nous savons que le travail est mal fait. Traçabilité peut-être mais pas qualité, sûrement pas !
La maltraitance institutionnelle
Nous connaissons toutes et tous les conditions d’enfermement et d’isolement à la limite de l’humain. Le sous-effectif chronique dans les services, le manque de temps auprès du patient, l’absence de réflexion sur la nécessaire distance relationnelle et sur les évènements et difficiles inhérents à notre métier (patient-e-s agité-e-s, troubles de la relation liés à la psychose etc...) génèrent de la maltraitance. La pression sur le personnel pour accomplir des actes à la limite de la loi et du droit des patient-e-s, aggravée par la loi d’Aout 2011 qui nous impose l’accompagnement des patients auprès du juge, sans moyens supplémentaires.
La révolte des soignant-e-s est plus que jamais nécessaire.
Sud dénonce, cette maltraitance institutionnelle, la côte d’alerte est franchie.
Nous en avons assez de travailler comme on peut, avec des moyens misérables et des personnels débordés, les camisoles de force remplacées par des camisoles médicamenteuses, faute de véritables alternatives, qui se portent désormais en ville, à domicile, dans des solitudes chimiquées, dont on n’a pas idée tant qu’on n’y est pas directement confronté-e-s.
Nous en avons assez, que l’on nous confisque nos outils d’appréciation de notre travail, notre façon de soigner :
Assez de la dégradation constante de nos conditions de travail. Assez du sous-effectif chronique qui ne nous permet plus d’exercer nos métiers dans des conditions d’accueil décentes pour les patient-e-s.
Assez que notre créativité de soignant soit étouffée par des dispositifs de gestion comptable, avec les conséquences de ce mode de management sur l’éthique soignante. Nous devons nous opposer à une politique sécuritaire du soin, laquelle, au détriment du relationnel, remplace la contenance par la contention. Nous devons retrouver le sens du soin !
Assez que l’on nous confisque nos outils d’appréciation de notre travail, notre savoir-faire, assez qu’on nous impose des normes opposables et opposées à tout travail de créativité.
Assez de la bureaucratie qui règne, de la soumission imposée qui s’étend… de ce management poussé à l’absurde qui va jusqu’à interdire à certains collègues ASH de converser avec les patient-e-s !
La révolte de toutes et tous est plus que jamais nécessaire
Il est temps de repenser le soin en équipe, de réfléchir à nos pratiques. Nous voulons plus de temps et de moyens pour soigner. Nous voulons d’une politique de soin qui redonne du sens au travail d’équipe et qui permet l’élaboration de projets de soin avec les patient-e-s. Nous voulons redonner de l’attractivité à nos métiers, par la revalorisation de nos carrières, par le salaire, l’autonomie et la responsabilité retrouvée. Nous voulons des moyens pour faire fonctionner un secteur psychiatrique ambitieux et humain.
Des hôpitaux résistent, des régions entières se mobilisent.
Il nous faut réussir la coordination d’un mouvement général, afin de ne plus lutter sporadiquement, les un-e-s après les autres, contre les symptômes de la maltraitance que la psychiatrie, le sanitaire, le social et le médico-social subissent de plein fouet. Nous avons besoin de retrouver le chemin du soin et des services dus aux patient-e-s.
SUD Santé Sociaux appelle à rejoindre les établissements en lutte,
SUD Santé Sociaux appelle à s’inscrire dans la mobilisation de "convergence des hôpitaux en lutte contre l’hôstérité" et à s’engager dans la construction d’un mouvement de l’ensemble du secteur, de nature à renverser la politique qui nous est infligée et qui entraîne la psychiatrie dans une honteuse régression.
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