Dans une tribune du journal Le Monde, 14 chefs de service hospitalier de toute la France réclament un grand plan en faveur des Urgences. Le professeur Eric Roupie du CHU de Caen mais aussi ses confrères d'Evreux et Rouen sont signataires. Pour eux, "plus d'excuses pour attendre".
La situation aux urgences est très préoccupante. Nous ne jetons la pierre à personne, car la situation actuelle est la conséquence d’une lente dégradation. Mais cette observation ne doit pas être une excuse pour attendre." Selon ces 14 Professeurs de médecine spécialisés dans les Urgences, il faut donc réagir alors que "le gouffre se creuse entre les besoins et nos moyens", depuis 20 ans.
Des médecins qui se souviennent comme nous tous qu'on ne parlait avant d'encombrement aux Urgences qu'en certaines périodes de "crise : épidémie de grippe ou canicule.
Pas qu'un problème de délai d'attente
On déforme le problème, en abordant les Urgences par un contrôle qualité sur le délai d'attente (critère souvent retenu pour les classements). "Or, cette saturation n’a pas qu’un effet sur le confort ou le délai d’attente : elle augmente considérablement le risque d’erreurs médicales et use les équipes. Quand un seul médecin doit prendre en charge simultanément dix malades, le risque d’accident devient immense."
Une situation de crise que l'on ne retrouve pas dans les autres spécialités hospitalières.
Deux fois plus de visites en 20 ans
Les visites augmentent au fur et à mesure que les soins se dégradent ailleurs : "beaucoup de patients vont aux urgences par défaut : quand ils n’ont pas de médecin traitant ou en son absence, quand le médecin de ville ne sait plus faire les sutures, ou quand il faut un rendez-vous rapide avec un ensemble de spécialistes introuvables en ville."
Des médecins qui disent ne pas se plaindre, et savoir assurmer : "Mais nos services n’ont pas été calibrés pour cela. Et le nombre de visites aux urgences, qui a doublé en vingt ans, va continuer à augmenter car la population grandit et vieillit, tandis que le nombre de médecins baisse."
Sécurité des patients
C'est leur principale crainte : le dérapage.
Il y a quelques jours nous avons raconté l'histoire de cette dame de 79 ans qui a du attendre 3 longues journées une place au bloc pour une fracture du col du fémur : trois jours avec, à chaque fois, une toilette délicate et des heures à attendre ajeun. Dans les réactions des lecteurs : beaucoup de cas similaires, beaucoup d'attente pour une fracture classée non urgente :
Ils demandent un plan de grande ampleur
Dans les années 1990, un décret avait sécurisé la pratique de l’anesthésie dans les hôpitaux en imposant des normes de personnel, de locaux et de matériel. Nous demandons un décret similaire sur la sécurité des patients aux urgences. Aucun service ne doit plus fonctionner dans des conditions inacceptables de sécurité, en personnel, locaux ou matériels."
La question de la fin de vie ou de la vieillesse mérité également d être traitée avec réalisme. Ces dernières années une dérive s'est comme installée : "Plus aucun malade de cancer ou de démence qui vient mourir à l’hôpital ne devra passer ses dernières heures de vie aux urgences, avec un personnel débordé qu’il ne connaît pas. Une filière dédiée sera organisée dans chaque hôpital afin de leur offrir un accueil paisible et adapté. Là aussi, la certification s’assurera du respect de cette mesure d’humanité élémentaire."
Parmi les signataires 3 sont normands : Dr Arnaud Depil-Duval, chef de service des urgences, CH Eure-Seine, Evreux-Vernon; Pr Luc-Marie Joly, chef de service des urgences, CHU Rouen et Pr Eric Roupie, chef de service des urgences-SAMU 14, CHU de Caen.