Dans une maison de retraite du Calvados, des salariés dénoncent leurs conditions de travail et parlent de harcèlement. L'ARS et l'Inpection du travail ont saisi le parquet.
Des salariés de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à Thury-Harcourt (Calvados), l’Asile de Marie, tirent la sonnette d’alarme.
Le constat, s’il est confirmé, donne le tournis : une vingtaine de démissions, 11 salariés déclarés inaptes par la médecine du travail, une rupture conventionnelle, une hospitalisation et quelques contrats non renouvelés.
« Et tout cela, seulement depuis 2013 », appuie John Saliou, secrétaire général CGT 14. Le secrétaire général de la CGT du Calvados et quelques salariés qui ont souhaité rester anonymes, témoignent auprès de nos confrères de L’Orne Combattante.
De la « maltraitance institutionnelle »
Quatre salariés et ex-salariés de l’Ephad condamnent ce qu’ils appellent de la « maltraitance institutionnelle ». Leurs mots sont durs :
Au quotidien, c’est du harcèlement, du fliquage, des coups de fils incessants… On m’a même demandé de trouver des fautes afin de pouvoir virer quelqu’un, témoigne une infirmière coordinatrice. Cela, au point de mettre les résidents en danger.
« Pourtant, j’aime ce que je fais mais on est surchargé de travail, toujours dans l’urgence. C’est terrible à dire mais il y a des gens qui se laissent mourir d’ennui, note de son côté Anaïs* avant d’éclater en sanglots. Le soir, on est deux aides-soignantes pour coucher 56 résidents en une heure. Cela fait 2 minutes 25 pour les récupérer, les monter, les changer, faire en sorte qu’ils aillent aux toilettes, se brossent les dents. Et prendre le temps de leur parler, de les rassurer. Ça leur pèse, on les brusque. »
L’une des salariés a saisi le tribunal administratif, une quinzaine d’autres sont appuyés par la CGT du Calvados.
L’ARS et l’Inspection du travail saisissent le parquet
Contactée à plusieurs reprises sur ce dossier, l’ARS (Agence régionale de santé) de Normandie n’a pas souhaité répondre aux questions de L’Orne Combattante.
Par mail, la direction générale a spécifié : « Notre attention a déjà été attirée par la situation de fragilité de cet établissement qui fera l’objet d’un suivi rapproché par les services de l’ARS ». Mi-janvier, la direction de l’appui à la performance et les responsables des Ehpad au sein de l’ARS avait accepté la demande d’audience formulée par la CGT du Calvados.
Plus récemment, lundi 6 février 2017, John Saliou, secrétaire général CGT 14, a été reçu par des représentants de l’Inspection du travail. Avec l’ARS, l’Inspection du travail a saisi le parquet. « Le médecin de certains salariés a fait de même », informe John Saliou. « On n’est pas loin de la mise sous tutelle administrative de l’établissement. »
Un point que ne nie pas la directrice de l’Ehpad de Thury-Harcourt, Marie-Céline Huck : « Nous avons une situation budgétaire, certes difficile, au regard des faits évoqués, et exclusivement de ceux-ci. Cet état de fait donnera lieu à discussion avec la tutelle ».
« Un tissu de mensonges » pour la direction
Par ailleurs, pour la directrice de l’Ehpad privé à but non lucratif, géré par la Fondation Asile de Marie, « les propos tenus par quelques ex-salariés isolés et, en l’occurrence syndiqués CGT, ne sont étayés par aucun fait matériel avéré. Tout cela est faux. »
Pour preuves, Marie-Céline Huck fournit à nos confrères de L’Orne Combattante des témoignages rédigés par des salariés permettant, d’après elle, « de dépeindre une réalité différente de celle présentée ». Mieux, ils « contredisent les affirmations ».
« Il ne peut être reproché à la fondation de nier l’existence d’un climat social dégradé, dès lors que celui-ci n’existe pas de façon avérée dans l’établissement. » Toujours pour prouver sa bonne foi et après avoir fourni une photo des vœux au personnel sur laquelle « un climat des plus bon enfant transparaît », Marie-Céline Huck note que « force est de constater que les services de l’Inspection du travail n’ont jamais mentionné l’existence d’un climat social délétère ».
Concernant le flicage et le harcèlement, la directrice réfute « en bloc » les accusations :
À titre personnel, je tiens à préciser que la CGT est coutumière des attaques contre les entreprises et les employeurs en France, eu égard notamment au calendrier… Les chefs d’entreprise ne demandent qu’à faire leur travail c’est-à-dire créer de l’emploi, assurer la pérennité des établissements, assurer la qualité des soins prodigués aux patients et pérenniser les emplois des salariés !
Des termes en tout point similaire à ceux de Philippe Lagalle, président de la fondation Asile de Marie.
Concernant les démissions et autres arrêts de travail, Philippe Lagalle et Marie-Céline Huck ont noté que « l’affirmation selon laquelle une vingtaine de salariés auraient quitté l’établissement doit donc être remise dans son contexte, ce calcul est à prendre en compte sur plusieurs années ! Qui plus est, s’agissant d’une structure pouvant employer jusqu’à 110 agents par mois sur 12 mois. Rapporté sur la période évoquée, l’établissement a donc géré un volume important d’agents (entre 5 200 salariés, fourchette haute, et 3 800 salariés, fourchette basse) ».
* Son prénom a été modifié
Source: normandie-actu.fr