«Libération» dévoile le décret qui donne naissance aux Groupements hospitaliers de territoire. Une petite révolution : la France va passer de 1 100 établissements de santé à près de 200 groupements d'hôpitaux.
C’est un simple décret, mais il peut à terme modifier très fortement le paysage hospitalier français. Ce vendredi matin sera en effet publié au Journal officiel le décret sur les Groupements hospitaliers de territoire (GHT), issu de la loi santé de Marisol Touraine.
Version officielle, d’abord : «C’est une innovation majeure, ce n’est ni mineur, ni banal, explique à Libération la ministre de la Santé. On entre dans une nouvelle phase de la vie hospitalière.» Et Marisol Touraine de souligner : «Les hôpitaux se sont construits bien souvent comme des structures, certes de référence mais tournées sur eux-mêmes. Là, s’impose l’idée d’une responsabilité vis-à-vis de l’extérieur. On ne raisonne plus en termes de structures, mais en termes de territoire. On analyse dans chaque territoire les besoins de la population, et ensuite avec un projet médical commun, on cherche à faire travailler au mieux les hôpitaux de proximité avec l’hôpital de référence.»
Version plus pratique, maintenant : les 1 100 établissements publics de santé vont se regrouper et former autour de 200 à 250 Groupements hospitaliers de territoire. Cela ne veut pas dire que des hôpitaux vont fermer, mais chaque territoire aura un et un seul GHT qui chapeautera plusieurs établissements, avec un unique projet médical, décliné dans plusieurs lieux, avec un système d’information unique, et un groupement d’achats uniques. Le but ? «Il ne s’agit pas de faire des économies», insiste la ministre. Mais de proposer au patient «une prise en charge graduée», avec des établissements de santé de première intention, une permanence des soins, et au-dessus de la chaîne, un lieu avec des services de pointe et toute la gamme de radiologie et de biologie nécessaires. Ces GHT n’auront pas de personnalité morale, mais ils seront néanmoins obligatoires et constitués par une «convention administrative».
Une longue mise en œuvre et des questions
Ce décret a été long à accoucher, résultat d’une concertation de deux mois, après qu’une première version a été retoquée pour cause de trop grande lourdeur administrative. Y sont définis précisément les conditions de création, les modalités de gouvernance de chaque groupement, ainsi que le périmètre de mutualisation des fonctions et activités permettant la mise en œuvre dudit projet médical partagé. Est prévue pour chaque GHT la création d’une Conférence territoriale de dialogue social.
Cela reste très technique. Quelques interrogations demeurent, celles-là beaucoup plus compréhensibles. Ainsi, quelle place dans ces GHT pour les élus qui sont très attachés à rester dans la gouvernance des hôpitaux ? Mais aussi comment vont se constituer les GHT ? Par le haut ou par le bas ? Le choix des regroupements viendra-t-il de la base, ou bien de la direction des Agences régionales de santé ? N’y a-t-il pas, de fait, un risque que le gros hôpital général ou le CHU impose ses choix aux petits établissements ? Quelle place réelle pour les usagers ? Mais aussi quelle collaboration avec les établissements privés ? Enfin, il est prévu que puissent se créer des GHT spécialisés, en particulier en psychiatrie où se regrouperaient plusieurs établissements de santé mentale.
On le pressent, si la machine réglementaire est maintenant lancée, la mise en musique n’en restera pas moins délicate. Au 1er juillet en tout cas – donc dans un délai rapide – tous ces GHT devront avoir vu le jour.