Tous les ans, à la même époque, le parlement discute et vote la loi qui va déterminer les moyens alloués à la Sécurité sociale. Le temps de cette discussion devrait être un moment politique fort car il est déterminant pour l’organisation de la solidarité sociale, santé, vieillesse, handicap pour l’année à venir.
PLFSS = Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale
La Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) a été instituée par le Plan Juppé relatif à l’Assurance Maladie en novembre 1995 (c’est un véritable hold-up perpétré par les politiques sur l’argent de la solidarité jusque là géré par les syndicats).
Elle est votée par le Parlement tous les ans, en même temps que la Loi de Finance déterminant le budget de l’État. Le PLFSS doit être déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale au plus tard le 15 octobre et doit être adopté dans les 50 jours. S’il n’est pas adopté, le gouvernement peut procéder par Ordonnances. La Loi de Financement peut aussi être modifiée en cours d’année par une LFSS rectificative.
La Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) fixe les grandes orientations des politiques de santé et de Sécurité sociale et leurs modes de financement. Elle fixe l’ONDAM (Objectif National Dépenses Assurance maladie) qui déterminera les moyens pour l’année à venir.
Le temps de ce débat parlementaire devrait être un moment privilégié pour intervenir sur les orientations que malheureusement le mouvement social et les organisations syndicales utilisent peu. Pourtant les salariés du secteur devraient y être sensibles, c’est à travers cette loi que se décident les mauvais coups et autres restrictions budgétaires qui s’imposeront aux établissements sanitaires et sociaux dans l’année qui suivra. C’est dire si le décryptage du PLFSS est important et les mobilisations lors des discussions parlementaires nécessaires. Une fois la LFSS et la loi de Finance votées, tous les mouvements sociaux se heurteront à une logique d’enveloppes fermées, et tout ce qui pourra être gagné par les uns sera pris aux autres.
La gageure des organisations syndicales est de réussir à mobiliser les professionnel-les par anticipation.
Les débats au parlement sur le financement de la Sécurité sociale apparaissent souvent lointains, très techniques ne parlant pas aux personnels alors qu’ils conditionnent les futures conditions d’emplois, de travail et de rémunération de millions de professionnel-les du secteur sanitaire, social et médico-social.
C’est de ces débats que partent les mauvais coups qui, sur le terrain, se traduiront par la dégradation des conditions de travail, l’augmentation de la charge de travail, les rémunérations qui stagnent ou baissent pour les nouveaux, nouvelles embauché-e-s, les attaques sur le temps de travail, l’avancement…
C’est de ces débats que découlent les restructurations hospitalières et médico-sociales, les fermetures d’activités ou de services, les suppressions de postes…
C’est de ces débats que découleront les déserts médicaux de demain, les restes à charge pour la population et la diminution des prestations servies pas la Sécurité sociale et le service hospitalier public et privé non lucratif.
Ce sont donc ces débats qui participent à la régression et à la casse de la Sécu et du Service Public Hospitalier.
Un enjeu social majeur.
Il serait donc nécessaire d’agir avant la fin de ces débats et peser de toutes nos forces pour obtenir un ONDAM (Objectif National des Dépenses d’Assurance maladie) hospitalier et médico-social à la hauteur des besoins.
C’est beaucoup plus facile à obtenir avant sa mise en place que de lutter contre ses effets. Car, dans le cadre des enveloppes budgétaires fermées, les luttes locales sont piégées dans un système de vase communicant. Ce qui est gagné de haute lutte par un établissement ou un service est pris sur le budget d’un autre et sert à les mettre en concurrence .
Mais tout cela peut s’anticiper en revendiquant un ONDAM plus ambitieux en matière d’assurance maladie et de politique sanitaire et sociale.
Il nous est donc nécessaire pendant cette période de mener la lutte sur tous nos secteurs, unitairement, pour peser sur l’avenir de l’organisation des solidarités.
Cette lutte est juste parce qu’elle concourt à l’amélioration des solidarités dans le cadre de la protection sociale et au maintien de la qualité des soins et des prises en charge médico-sociales.
Cette lutte est juste et doit être appuyée par les associations de citoyen-ne-s car nous nous battons pour l’amélioration des systèmes de soins et de prises en charge des situations de perte d’autonomie.
Sinon, c’est à grands coups de « restes à charges », franchises, forfaits, dépassements d’honoraires, attaque sur les conditions de travail et les RTT que les salarié-es du sanitaire, du social et du médico-social et les citoyen-nes le paierons toutes et tous.
Qu’en sera t-il pour 2016
L’ONDAM hospitalier 2016 est fixé à 1,75 %, ce sont globalement plus de 3,4 milliards € d’économie* qui vont encore peser en 2016 sur le dos des salariè-es et de la qualité des soins, de l’accueil et de les prises en charge. Les établissements pour personnes âgées ou pour les personnes handicapées avec un taux de 2,3% pour les premiers et de 2,19% pour les autres sont elles aussi mises gravement à contribution.
*l’évolution spontanée des dépenses d’assurance maladie auraient évolué sinon de 3,6 % en 2016 (chiffre du gouvernement).
Objectifs de dépenses 2016 (en milliards d’euros)
Maladie 201,1
Vieillesse 227,8
Famille 49,6
Accidents du Travail et Maladies Professionnelles 13,4
Toutes branches 478,3
(Pour donner un ordre de grandeur des sommes en jeu le budget de l’Etat est de 301 milliards d’euro.)
Pour justifier ces baisses relatives, le PLFSS argumente sur le développement de l’ambulatoire, les pratiques avancée et les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), cf la loi dite de modernisation de la santé en cours d‘adoption.
Les soins en ambulatoire peuvent être une évolution positive à plusieurs conditions.
Que le choix de ces soins soit thérapeutique et clinique et non une mesure imposée pour des raisons économiques.
Que soit prise en compte la situation socio-économique des patient-es, leur qualité de vie et d’environnement lors de la décision.
Qu’un dispositif de soins ambulatoire de service public adéquat soit organisé sur tout le territoire.
Que ce ne soit pas une façon déguisée de renvoyer la charge des patient-es aux familles.
Pratiques avancées et autres « coopération entre professionnels ».
Sous couvert d’apparentes bonnes idées, mais surtout pour faire des économies en flattant l’égo de certains membres d’une l’élite autoproclamée et corporatiste, c’est l’application du Principe de Peter.
Principe de Peter : Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence.
Corollaire : Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité.
La France est mondialement reconnue pour en être la championne.
Les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT)
Les GHT prolongent et aggravent la situation crée par la loi HPST qui avait mis en place les CHT, C pour coopération, synonyme de regroupements, fusions, fermetures de services et de sites hospitaliers. Les pouvoirs et les moyens des ARS sont renforcés pour les gérer.
L’adhésion de tout établissement public est obligatoire à ces groupements sous peine de sanctions lourdes (pénalités financières ou même retrait de l’autorisation d’activité).
Au nom de la « mutualisation » et de l’« optimisation » des moyens, la création d’une structure hospitalière unique permettra d’accélérer les fermetures de lits, de services et d’établissements publics de proximité, de généraliser la polyvalence des personnels entre établissements parfois éloignés, de supprimer massivement des emplois publics dans les services administratifs, techniques et logistiques, autant que dans les services de soins.
Ces « groupements » seront également ouverts à des coopérations avec le secteur privé quand celui-ci y trouvera son intérêt.
Revue de « détail » d’autres points du PLFSS …
Le sous-ONDAM concernant la psychiatrie et les Soins de Suite et de Rééducation (SSR) aura une progression de 0% ! Soit une économie imposée de près de 715 millions d’euros. Là encore, il faut croiser le PLFSS avec la Loi de Modernisation de la Santé pour comprendre que les économies recherchées passeront par le démantèlement du réseau de soins de Secteur en psychiatrie. Comme la psychiatrie est une activité dont les budgets sont essentiellement (+de 85%) en masse salariale, c’est sur les personnels et les conditions de travail que les mesures vont peser et bien sûr à terme sur la qualité de soin dans un dispositif déjà sous très haute tension.
Quant aux SSR (Art 49 du PLFSS) le gouvernement mise sur la convergence tarifaire et homogénéisation des financements. Mais sans rien qui garantisse un rééquilibrage de la densité d’équipement sur des régions déjà très peu homogènes, ni sur la répartition entre SSR polyvalents et spécialisés.
L’Art 39 serait à saluer car il met en place une Protection Universelle Maladie (PUM), six mois de résidence sur le sol français suffisant à en ouvrir les droits. Cette PUM supprime l’aspect discriminant de la CMUb, simplifie l’ouverture des droits et supprime la problématique de l’ayant droit majeur. Mais d’autres questions restent en suspens, les modalités et la forme du contrôle des conditions de résidence en France, la non intégration pour l’instant de l’Aide Médicale d’Etat dans ce dispositif. Mais enfin et surtout la qualité de cette Protection et du « panier de soin » qui l’accompagne.
L’art 45 pérennise le glissement des tâches sous couvert de « délégation d’actes » entre professionnels, décidé par la Haute Autorité de Santé avec la complicité des ARS.
L’art 46 prévoit le transfert du budget de fonctionnement des ESAT (Etablissements et Services d’Aide par le Travail) du budget de l’Etat vers celui de l’Assurance Maladie. Sachant que aujourd’hui le dispositif ESAT n’avait pas connu la croissance nécessaire pour répondre à la demande (blocage du dispositif depuis 2012) ce sont plus de 13000 personnes qui sont en attente d’une place ! Ces demandes non satisfaites provoquent un « embouteillage » dans les structures d’accueil d’enfants et d’adolescent (IME et IMPRO, Instituts Médico Educatifs et PROfessionnels) en aggravant l’état du dispositif.
L’art 47 imposera d’ici trois ans les Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens aux établissements du médico-social ainsi que le passage à la Dotation Globale. Les structures se verront à terme imposer par les pouvoirs publics des contrats standardisés avec des conséquences sur l’uniformisation des pratiques et des projets. C’est le contrôle financier qui prédominera stérilisant toute possibilité d’invention et d’évolution de ce secteur.
L’art 48 en reculant les échéances sur la réforme du ticket modérateur aura une lourde incidence financière sur les patient-es hospitalisé-es ne possédant pas de complémentaires santé.
Toutes contributions confondues les mesures concernant les personnes âgées et le handicap voient leur évolution freinée, 18,2 milliards au titre de l’ONDAM et le reste au titre de contributions diverses pour un total de 19,5 Milliards. Ces mesures ne répondent pas à la hauteur des enjeux et au besoin des personnes.
Il faut prendre en compte aussi pour ces deux secteurs la baisse du financement des collectivités territoriale qui va prendre en tenaille le dispositif.
En ce qui concerne la branche famille, on constate une diminution des recettes à hauteur de 3,1Mds d’€. Cela correspond à une diminution des cotisations patronales d’allocations familiales prévue dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, nouveau cadeau au patronat. Le gouvernement la justifie par une compensation de Budget de l’Etat, mais aussi par la modulation des allocations familiales qui rompt avec le principe d’universalité de la protection sociale.
Un PLFSS de rigueur !
A travers cette visite rapide du PLFSS, on peut constater que la politique du gouvernement tourne résolument le dos à l’idéal de construction d’une société solidaire pour répondre aux impératifs libéraux imposés par les traités européens. De fait ce sont les institutions européennes, la Cour des comptes et le patronat qui règnent aujourd’hui sur les débats budgétaires.
C’est gravissime dans un pays où d’ores et déjà du fait de cette « crise » instrumentalisée par la finance :
le nombre de familles en souffrance ne cesse d’augmenter,
où un enfant sur cinq est en situation de pauvreté et où une personne pauvre sur trois est un enfant,
où une personne sur quatre diffère ou renonce aux soins faute de pouvoir se les payer,
Continuer sur la voie des politiques d’austérité est un crime par défaut de courage politique.
Nous aurions pu attendre qu’un gouvernement socialiste ait une autre vision de la société, ce n’est pas le cas.
C’est dans la rue avec notre Union Syndicale Solidaires et toutes les forces syndicales, associatives ou politiques qui voudront bien s’en donner la peine qu’il faudra renverser cette situation. Pour 2016 c’est encore possible dans le laps de temps qu’il reste jusqu’en début décembre.
L’avenir de nos professions en dépend, l’avenir de nos conditions de travail, de soins et de prise en charge en dépend. L’avenir de la solidarité au sein de la population et entre les générations en dépend.
Notre avenir à toutes et tous en dépend.
Cela commence le 17 novembre autour de la mobilisation des personnels de l’AP-HP contre les mesures austérité, ce jour là devra être une journée d’action nationale.
Contre tous les mauvais coups portés contre les salarié-es, pour un ONDAM à 4% de nature à porter les ambitions d’une société Solidaire.
Source: SUD Santé Sociaux
Le 4 pages PLFSS ci dessous en piéce jointe
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